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Nos médicaments fabriqués à bas prix

80% des principes actifs viennent désormais de Chine et d’Inde

A ce jour, 80 % des substances actives pharmaceutiques utilisées en Europe sont fabriquées hors de l’Espace économique européen […] essentiellement en Chine et en Inde', ont expliqué des spécialistes présents à une conférence organisée par l’Académie nationale de pharmacie en avril 2011.
Trente ans plus tôt, le chiffre était de 20%. Pourquoi? Parce que la pression sur les prix et les coûts a été telle que les laboratoires ont dû se tourner vers ces pays qui produisent ‘low cost’. Selon les intervenants 'les coûts de main d’oeuvre sont environ 55 % moins importants en Chine que dans la Zone ICH (Japon, Europe, USA).

 

 


 

 

En 2008, une forme frelatée d'héparine provenant de Chine (plus gros producteur mondial) fait 80 morts en Allemagne et aux Etats-Unis. En septembre 2011, l’UFC-Que-Choisir alerte de nouveau sur les conditions de fabrication douteuses de l’anticoagulant en Chine et laisse planer le doute sur un retour de la vache folle. Composés de sucre, de farine, de substances dangereuses, sur ou sous dosés en principes actifs, les médicaments contrefaits peuvent faire courir de graves dangers aux consommateurs. Même si les autorités font des contrôles réguliers, 'les falsificateurs sont très imaginatifs', reconnaît Anne Carpentier, Directrice des affaires pharmaceutiques du LEEM. Et à l'arrivée, 1 à 3% des médicaments vendus via une filière légale seraient quand même falsifiés.
‘Par choix économique, l’industrie pharmaceutique va s’approvisionner dans des pays où les productions sont moins chères, pays où le niveau de bonnes pratiques de fabrication n’est pas en rapport avec nos normes’, réagit Jacques Morenas, Pharmacien général de santé publique et titulaire de l’Académie nationale de pharmacie. Pour Georges France, également membre de l’Académie : 'Les industriels n’ont pas pris la mesure des enjeux et de l’ampleur de la globalisation. […].' Pourtant, il y a 'peu de prise face à des organisations criminelles'.

  A savoir:
au cours du second semestre 2010, le Conseil de l’Europe a suspendu 14 certificats de conformité à la pharmacopée européenne et en a retiré 5. 75% d’entre eux correspondaient à des sites localisés en Inde ou en Chine.

 

 

 

C’est une réalité, tous les sites qui fabriquent nos médicaments ne sont pas contrôlés. 'Chez Sanofi-Aventis, nous réalisons annuellement 1500 audits de fournisseurs. En dépit de ce travail important, certains fournisseurs ne sont jamais audités ni même inspectés', indique Thierry Bourquin, membre titulaire de l’Académie nationale de pharmacie. Autre constat inquiétant: les sites européens seraient inspectés en moyenne 5 fois plus que les sites chinois ou indiens, selon d’autres spécialistes invités par l’académie en avril 2011.

Comment les sites sont-ils contrôlés?
En France, l’Afssaps déclare contrôler les sites de fabricants au moins tous les deux ans. 'Au sein de l’Europe, les laboratoires sont également obligés d’aller auditer leurs sites fournisseurs à des fréquences régulières: tous les ans, tous les deux ans, tous les trois ans selon ce qui est produit', ajoute Anne Carpentier, Directrice des affaires pharmaceutiques du LEEM. A l'étranger, ce sont les autorités européennes et internationales qui surveillent les sites de production. Mais c'est parfois compliqué. 'La Chine montre une volonté claire de placer progressivement ses standards au niveau des standards internationaux, notamment en termes d’inspection. En revanche, pour l’Inde, il existe une volonté très nette de ne participer à rien au niveau international', explique Jacques Morenas, pharmacien général de santé publique. Or, les normes de ces pays diffèrent de celles de l'Europe. Pour réduire les risques de fabrication 'certains grands laboratoires développent des firmes dans les pays émergents pour surveiller la production de leurs usines', indique Anne Carpentier.

 

A savoir: 'Il y a une dizaine d’années, les sites de fabrication des principes actifs étaient audités selon le bon vouloir du fabricant du médicament, aujourd’hui la surveillance est renforcée puisque le fabricant est obligé d’auditer son fournisseur', explique Anne Carpentier, Directrice des affaires pharmaceutiques du Leem. Une avancée rassurante pour l’utilisateur.

 

1 générique sur 2 vient de Chine

 

Comme les médicaments de marque, les génériques peuvent être fabriqués dans des pays hors de France tels que l’Allemagne, la Suède, le Brésil, la Chine ou l’Inde. Lors d’une conférence de presse organisée par l’Académie nationale de pharmacie en avril 2011, on apprenait ainsi que 40 à 50% de la production des principes actifs génériques du marché européen est concentré en Chine.

Comment leur production est-elle contrôlée? 'Tous les établissements pharmaceutiques fabricants opérants sur le territoire français sont inspectés par les inspecteurs de l’Afssaps au moins tous les 2 ans quels que soient les médicaments fabriqués, princeps ou génériques', expliquait Fabienne Bartoli, adjointe du directeur général de l’Afssaps en mai 2009.
En dehors de la France, ce sont les autorités européennes et locales qui vont contrôler les sites, sans oublier les laboratoires qui doivent surveiller leurs fournisseurs. Mais la complexité est la même que pour les médicaments classiques. La mondialisation multiplie les acteurs intervenant dans la fabrication ce qui complique les contrôles. Dans ce contexte, 'la coopération européenne et internationale revêt une grande importance', rappelait Fabienne Bartoli.

Y a-t-il plus de fraudes sur les génériques? En mars 2010, l’Afssaps rappelle des médicaments fabriqués en Inde à base de clopidogrel (génériques de l’anticoagulant Plavix). Cause : 'Plusieurs manquements aux bonnes pratiques de fabrication des médicaments' relevés lors d’une inspection sur le site de production. Le cas semble isolé. 'La qualité des génériques circulant sur le marché national à l’heure actuelle est globalement satisfaisante. Il n’existe pas de différence significative entre les groupes princeps et génériques', déclarait l’Afssaps en juillet 2006 après sept années de contrôles.

 

 

 

Comment savoir d’où vient mon médicament?


Vous voulez savoir où a été fabriqué votre médicament? Impossible! 'Il y a eu une proposition lors de la discussion au Parlement du paquet pharmaceutique* sur la possibilité de mentionner l’origine du principe actif sur l’emballage extérieur des médicaments. Cela n’a pas été retenu car non pertinent', a expliqué Isabelle Clamou, membre de la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) en avril 2011. Motif: les différentes étapes de synthèse d’une matière active peuvent être réalisées dans différents pays donc il serait trop compliqué et pas assez compréhensible pour l'utilisateur de tout lui noter… Conclusion: nous devons nous contenter de faire confiance aux autorités et agences sanitaires.

*Paquet pharmaceutique: texte publié par la Commission européenne le 10 décembre 2008 autorisant l’industrie pharmaceutique à communiquer directement auprès des patients sur les médicaments soumis à prescription.

 

 

Les laboratoires français (comme ceux de l’Europe en général) ont préféré produire en Chine ou en Inde pour faire des économies. Malheureusement pour eux, le système semble de moins en moins rentable et compétitif. 'La synthèse du paracétamol a été exportée au départ pour en diminuer les coûts. Or, dorénavant le coût du paracétamol, qui n’est plus fabriqué en Europe, augmente', souligne Jean Louis Robert, directeur du laboratoire national de contrôle de Luxembourg et correspondant européen de l’Académie nationale de pharmacie. Par ailleurs 'les pays occidentaux se retrouvent dans une situation de moindre croissance économique', font remarquer des spécialistes invités par l’académie en avril 2011. Or, ceux-ci importent 80% des substances actives de leurs médicaments. Résultat: 'L’Europe est devenue totalement dépendante de l’étranger', constate M. Robert. Et ça ne lui coûte plus forcément moins chère...

 

Aurélie Blaize, journaliste santé pour medisite.fr




16/12/2011
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