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Mort aux rats !

L’île aux rats : le paradis des prédateurs et la plus grande opération de sauvetage d’animaux sauvages”, éd. Bloomsbury USA, non traduit en français], William Stolzenburg explique comment les rats menacent d’éradiquer de nombreuses espèces sur des archipels à l’écologie fragile comme les îles Aléoutiennes et la Nouvelle-Zélande, et d’accélérer la vitesse de destruction de la biodiversité mondiale. 

Salon : A quoi Rat Island doit-elle son nom ?
WILLIAM STOLZENBURG : Rat Island fait partie del’archipel des Aléoutiennes [et d’un groupe d’îles appelé Rat Islands]. Il y a deux siècles, après un naufrage, un ou deux rongeurs ont nagé jusqu’à la côte et, depuis, les rats ont mangé tout ce qu’ils trouvaient sur l’île. Quand les biologistes de la conservation ont commencé à s’in­téresser à l’archipel, ils ont décidé que ce serait la première île où ils tenteraient d’exterminer ces rongeurs. 

Que nous enseignent ces campagnes d’éradication sur l’état général de la biodiversité ?
Jusqu’à une date récente, le silence qui entourait Rat Island reflétait notre indifférence face au nombre croissant d’extinctions d’espèces. Mais nous sommes désormais au pied du mur et nous allons devoir prendre des mesures déplaisantes pour rétablir ce qui a été détruit. 

La menace posée par les rats est-elle comparable à des catastrophes comme les marées noires ?
Celle des rats est bien pire. Si dramatique que puisse être une marée noire, la situation peut se rétablir avec le temps. Le fléau des rats est éternel. Une fois qu’ils se trouvent sur une île, ils mangent et se multiplient jusqu’à ce qu’ils aient complètement détruit les populations d’oiseaux qui nichent sur le rivage. 

Comment l’idée d’éradiquer violemment ces intrus a-t-elle émergé ?
Elle n’a vraiment pris forme qu’à partir des années 1970 ou 1980, quand on a compris que ces rongeurs pourraient avoir une grave incidence sur l’écosystème des îles. Tout a commencé avec la création d’un nouveau poison, le brodifacoum, un anticoagulant issu de la warfarine, un médicament utilisé pour traiter les thromboses chez les humains. Ayant découvert qu’une trop forte dose de cet anticoagulant pouvait provoquer une hémorragie interne mortelle chez l’homme, les scientifiques ont eu l’idée de l’utiliser contre les rats. Ils ont expérimenté ce poison sur les petites îles de la Nouvelle-Zélande, en commençant par poser des appâts sur des parcelles d’un hectare, puis en épandant le poison sur de plus grandes surfaces avec des hélicoptères. C’est ainsi qu’ils ont compris qu’il était possible d’exterminer tous les rats présents sur une île. 

Pourquoi l’extermination des rats est-elle si indispensable pour la survie de la faune de ces archipels ?
La plupart des animaux qui habitent ces îles ont toujours vécu isolés. Ils avaient très peu de prédateurs. Après plusieurs générations, des oiseaux comme le kakapo [une espèce de perroquet], en Nouvelle-Zélande, ont fini par ne plus avoir à utiliser leurs ailes et sont devenus des animaux coureurs, d’où leur extrême vulnérabilité face aux prédateurs. Beaucoup d’oiseaux de mer nichent aussi sur ces archipels pour pouvoir élever leur progéniture sans avoir à s’inquiéter des rongeurs ou des félins. Les eaux de l’océan constituaient un rempart infranchissable. L’arrivée de l’homme et des animaux qui l’accompagnaient a changé la donne. 

N’y a-t-il pas une autre solution que le massacre ? Comme l’introduction d’un prédateur naturel, par exemple ?
Introduire des prédateurs tels que la belette peut sembler intéressant, mais les rats sont de redoutables adversaires. Les prédateurs s’apercevraient très vite qu’il existe des proies beaucoup plus faciles à chasser – les espèces que les écologistes tentent justement de protéger. Les scientifiques évitent ces modes de contrôle biologique, car le risque d’un retour de bâton est extrêmement élevé. 

Pourquoi les rats auraient-ils moins le droit de vivre que les espèces qu’ils menacent sur ces îles ? N’altérons-nous pas le processus de sélection naturelle ?
On peut en effet interpréter ces campagnes d’éradication comme une nouvelle manifestation de la tendance de l’homme de se prendre pour Dieu, mais notre arrivée sur ces archipels en était déjà une. Le fait même que des animaux intrus soient devenus de robustes insulaires est la preuve d’une ingérence de notre part. Les biologistes sont arrivés à la conclusion que des situations extrêmes demandaient des ré­ponses extrêmes. Ils ont compris que nous risquions de perdre des formes de vie qui avaient mis plusieurs milliers d’années à apparaître au bénéfice d’un animal présent dans le monde entier et voué de toute façon à survivre. De l’avis des exterminateurs, si les spécialistes de la conservation laissent les rats prendre le contrôle de ces îles, ils ne respecteront pas leur devoir de défendre la biodiversité sur terre.

 

 

 

 

 

 

 

 William Stolzenburg 
est un journaliste scientifique américain connu pour son engagement pour la protection des animaux sauvages. DansWhere the Wild Things Were [Là où se trouvait la vie sauvage, 2008, éd. Bloomsbury USA, non traduit en français], il décrit le rôle crucial des prédateurs dans la préservation de la biodiversité.

 Le livre
Pour restaurer l’équilibre écologique d’une île en Alaska, les scientifiques tentent d’éradiquer les rats qui y pullulent. Rat Island: Predators in Paradise and the World’s Greatest Wildlife Rescue[L’île aux rats : le paradis des prédateurs et la plus grande opération de sauvetage d’animaux sauvages, 2011, de William Stolzenburg, éd. Bloomsbury USA, non traduit en français]

 

http://vert.courrierinternational.com



15/09/2011
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