Le sperme humain était-il meilleur avant ?
Le sperme humain était-il meilleur avant? Les hommes d’avant la Seconde Guerre mondiale enfantaient-ils plus aisément que ceux d’aujourd’hui?
Généralement la réponse est oui: les chiffres des biologistes de la reproduction laissent souvent supposer que la fertilité masculine irait en décroissant.
La France dispose sur ce sujet de précieux outils d’observations et de comparaisons grâce à l’activité des Centres d’étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (Cecos). Ces structures publiques, créées à partir de 1973, ont pour objectif principal de fournir une réponse aux couples dont l’homme est atteint de stérilité. Recueillant sous diverses conditions (biologiques et éthiques) le sperme de donneurs volontaires, elles ont permis le développement encadré de la pratique de l’insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD).
Trois études ont été menées en France grâce aux données recueillies et conservées en mémoire au sujet des Cecos. Une mémoire difficile à mettre en défaut: depuis 1973, ces centres recrutent sur des critères invariables: hommes en bonne santé ayant déjà prouvé leur paternité, volontaires pour effectuer des dons (anonymes et bénévoles) de sperme; et ce dans le seul but d’aider des couples dont le partenaire mâle est infertile à devenir parents. Sans oublier une méthodologie commune des différents centres pour analyser les caractéristiques des éjaculats.
La première étude a été réalisée par le Cecos de Paris-Bicêtre. Au milieu des années 1990, elle étudia les caractéristiques du sperme de 1.351 hommes candidats à un don entre 1973 et 1992. Conclusions: la concentration de spermatozoïdes baissait d’environ 2,1% par an chez ces hommes ayant par ailleurs fait la preuve de leur fécondité (de 89 à 60 millions/ml).
Quant au nombre total de spermatozoïdes dans l’éjaculat (meilleur reflet du rendement de la production spermatique), c’était pire: diminution d’un tiers au cours de la période d’étude. Il existait en outre une diminution significative du pourcentage de spermatozoïdes mobiles et du pourcentage de spermatozoïdes morphologiquement normaux.
En usant de méthodes statistiques sophistiquées, les auteurs de cette étude montraient par ailleurs que ces phénomènes étaient négativement associés à l’année de naissance des hommes: à âge égal et délai d’abstinence sexuelle égal, plus les hommes étaient nés récemment, moins la qualité de leur sperme était bonne. Exemple: à une concentration en spermatozoïdes de 102 millions/ml chez un homme âgé de 30 ans né en 1945 répondait une concentration de 51 millions/ml chez un homme comparable né en 1962.
La seconde étude (302 hommes résidant dans le Sud-ouest; 1977-1992) a été réalisée au Cecos de Toulouse. Contrairement à l’étude parisienne, elle ne devait pas conclure à une de diminution temporelle de la concentration de spermatozoïdes. Avec toutefois une concentration moyenne notablement plus basse qu’à Paris (83,1 millions versus 98,8).
La troisième étude vient d’être publiée. Elle a été menée à Tours (114 donneurs; 1976-2009). Sur une période de 34 ans, on voit le nombre de spermatozoïdes passer en moyenne de 443,2 à 300,2 millions dans chaque éjaculat. Avec des taux de spermatozoïdes mobiles passant de 64 à 44% et de spermatozoïdes vivants de 88 à 80%.
Que conclure?
On peut au choix adopter plusieurs attitudes. Par exemple, se rassurer en estimant que ces différentes études sont sans véritable valeur du fait des nombreux biais qu’elles portent en germe (biais de sélection des populations, des taux de participation, des méthodes d’analyse du sperme etc.).
On peut aussi juger que ces variations dans le temps et dans l’espacede la qualité du sperme réclament une explication. Quels sont les facteurs pouvant en être la cause? Contrairement aux convictions de nombre de militants écologistes l’environnement dégradé du fait des activités humaine ne semble pas devoir être tenu pour le coupable ; à l’exception peut-être des expositions professionnelles à un pesticide (le DBCP ou dibromochloropropane) à des doses probablement élevées et ce dans les années 1970. On suspecte aussi les expositions professionnelles au plomb inorganique ou à d’autres composés chimiques (éthers de glycol, dibromure d’éthylène, disulfide de carbone).
Les rayonnements ionisants, les augmentations répétées de la température du scrotum, le stress sous toutes ses formes sont aussi à l’étude. Il en va de même de certains «styles de vie», du surpoids, de l’exposition au tabac ou à l’alcool durant la vie intra-utérine des fœtus mâles. Sont aussi scrutés à la lunette épidémiologique le «bisphénol A», les «phtalates», les «retardateurs de flamme polybromés», les «composés perfluorés» et autres «parabènes». On cherche ce qu’il peut en être chez les animaux de la faune sauvage mis en cage pour expérimentations. Sans oublier les aliments ingérés dans leur ensemble, de même que l’air inspiré.
Tout ceci sans résultats scientifiquement bien convaincants. Les auteurs du BEH rappellent, pour finir, que le spermatozoïde est une cellule sans équivalent, résultat d’un processus se mettant en place avant la naissance et se poursuivant à l’âge adulte. A ce titre, il pourrait être le fidèle reflet de bien des perturbations, d’origine environnementales ou strictement intimes ; strictement biologiques ou profondément psychiques. Il devrait alors être regardé comme un symptôme, un précieux indicateur de santé publique. Mais est-il bien vrai qu’il faille désormais le regarder de la sorte?
Jean-Yves Nau
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